La Petite France en Amérique

Quand on est à Montréal on se sent un peu en France, mais si on va 1333 kms un peu plus au nord-est, on tombe sur un petit archipel français qui était jusqu’à présent très peu connu en métropole avant d’être popularisé d’un coup par un politicien ignare. Bienvenue à Saint Pierre et Miquelon où l’avion (à hélices, ça va moins vite et on “vit” davantage le ciel) vient de déposer ses 39 passagers hebdomadaires (on en fait partie) après trois heures de vol.

Comme on ne recule devant rien pour vous faire plaisir et vous simplifier la vie, on vous met une petite carte, histoire de rafraichir les lointains cours de géographie sur les Dom-Tom. Il faut retenir que c’est tout petit et qu’il n’y a que deux villages habités “à l’année longue” comme ils disent ici (toute l’année quoi) pour un total d’environ 6300 habitants.

L’aéroport (drome ?) se trouvant sur l’île de Saint Pierre, c’est là que nous passons notre première nuit avant de partir en faire le tour le lendemain.

Alors on ve va pas se mentir, il faut profiter du soleil dès qu’il est là, car les mois de juin et juillet sont réputés pour être très brumeux (il peut y en avoir pendant plusieurs jours de suite sans discontinuer). Ca tombe bien, sans doute pour fêter notre arrivée le soleil est de la partie.

Actuellement Saint-Pierre & Miquelon est une collectivité d’outre-mer ne faisant pas partie intégrante du territoire de l’Union européenne, ni de l’espace Schengen, ni du territoire douanier européen. Par contre, Saint-Pierre & Miquelon (j’aime beaucoup utiliser l’esperluette, ça fait sérieux & chic) fait partie de la zone euro et ses habitants disposent de la citoyenneté européenne.

Les premières installations permanentes sur l’archipel sont datées autour de 1604. Elles sont le fait de pêcheurs normands, bretons et basques qui se servent des îles comme base pour la pêche baleinière puis pour la pêche à la morue. Saint Pierre & Miquelon fut un des premiers territoires français ralliés à la France libre lors de la seconde guerre mondiale (en 1941).

Une des caractéristique des maisons de l’archipel est la présence de “tambours” devant les portes d’entrée. A l’origine amovibles ces sas étaient mis en place l’hiver afin de se protéger du froid et du vent. Ils sont devenus permanents rendant l’usage des trottoirs quasi impossible (mais donnant du charme aux maisons). Pour la petite histoire il se raconte que les maisons sont peintes depuis l’époque où les pêcheurs partaient plusieurs semaines à la pêche à la morue. A leur retour, après avoir bien visité les nombreux bars de l’île, il leur était plus facile de reconnaitre leur maison grâce à sa couleur !!!

Une photo des poubelles qui sont mises à l’abri des animaux sauvages et une enseigne qui rappelle l’origine basque d’une grande partie de la population. En effet le folklore basque est très présent, avec des associations de danse, de chant et de bateau à rame. Il y a même un fronton de pelote.

On est monté dans les hauteurs de l’île (210 mètres maxi d’altitude, on a échappé au mal des montagnes) pour avoir une belle vue sur Saint Pierre et sur une autre île juste en face, l’île aux marins.

Après 1h30 de traversée à bord d’un ferry qu’ici ils appellent “traversier”, nous accostons à Miquelon qui forme une seule île avec Langlade depuis qu’un isthme apparu au 18e siècle les relie (renforcé par de nombreux échouages de navires au cours des derniers siècles).

L’île de Miquelon c’est environ 600 habitants tous regroupés dans le village du même nom.

Village qui va bientôt commencer à déménager, faisant des habitants les premiers réfugiés climatiques de France.

Au milieu du bourg de Miquelon, bien évidemment trône une église en bois, Notre Dame des Ardilliers. Deux poteaux utilisés pour renforcer la structure de la toiture proviennent de deux naufrages différents. Le premier est le grand mât de la goélette « Ali Baba », échouée en 1900. Le second provient d’une goélette appartenant à la Morue Française (le nom me fait bien rigoler. Franchement travailler pour la Morue Française, ça fait pas sérieux)..

L’église renferme un canoë en écorce de bouleau réalisé par le peuple Mi’kmaq (un des peuples premiers de la côte nord-est d’Amérique). En 2004 c’est sur ce canoë qu’une dizaine d’entre eux relièrent Conne River (Terre-neuve) à Miquelon (et à la force de la pagaie).

A côté de l’église on peut voir le monument acadien en souvenir du “Grand Dérangement” et des multiples déportations et expulsions que subit ce peuple (composé des premiers pêcheurs installés sous ces latitudes) lors des guerres Franco-Anglaises pour la propriété de ces bouts de terre perdus dans l’atlantique nord.

Un tour au (tout) petit musée local nous en apprend un peu plus sur la vie ancienne à Miquelon-Langlade et sur son drapeau : le bleu-blanc-rouge avec l’étoile mariale dorée pour l’acadie, le vert pour l’espérance les blasons des premiers habitants basques bretons et normands le harelde boréal, localement appelé canard de Miquelon ou “kakawit” et le bleu pour l’océan et les morues.

La route jusqu’à Langlade nous permet d’admirer de jolis paysages et à l’arrivée de voir de jolies maisons. Ce sont les résidences secondaires des saint pierrais qui viennent volontiers y passer les week-end et les vacances, malgré l’absence de toutes commodités (pas d’eau, pas d’électricité et encore moins de commerce). Une vie de Robinson quoi pour 800 à 1000 personnes l’été !!!

De retour sur Saint Pierre nous embarquons sur le “P’tit Gravier” qui nous dépose, après 10 minutes de navigation sur l’île aux marins.

L’île aux marins anciennement “île aux Chiens” jusqu’en 1931, ne compte plus aucun habitant à l’année. Durant la belle saison quelques habitants qui ont rénové les maisons traditionnelles colorées font revivre le patrimoine îlien.

Pas de voiture sur l’île mais un parc à brouettes pour transporter les charges lourdes depuis le bateau.

L’île compta jusqu’à 600 habitants lors de l’époque d’or de la pêche à la morue. Mais cette période riche de l’histoire de l’île comporte une face sombre.

En effet, pendant près d’un siècle, des dizaines de milliers de jeunes (de 14 à 18 ans, d’autres bien plus jeunes) bretons, normands et basques ont été envoyés à Saint-Pierre et Miquelon pour travailler sur les graves de l’Île aux Marins. Ces champs de pierres où l’on séchait la morue, étaient le théâtre d’une exploitation impitoyable. Ces enfants, surnommés les “petits graviers”, ont contribué à la prospérité de l’industrie maritime française, souvent au prix de leur santé, de leur dignité et de leur enfance. Un travail ingrat, dans le froid, l’humidité et toujours courbés. Une forme d’esclavage car ils étaient à peine nourris et logés dans des conditions misérables, seule une prime d’engagement était donnée à leurs parents par l’armateur. Souvent ils venaient de familles nombreuses et pauvres, de l’intérieur des terres, et la prime servait à nourrir tout le reste de la famille.

C’est en hommage à ces enfants que le bateau qui fait la navette entre Saint Pierre et l’île aux marins a été baptisé “Le p’tit Gravier”.

Le musée héritage de Saint Pierre évoque le passé de l’archipel (normal, c’est un musée) et notamment la période de la prohibition aux Etats-Unis de 1920 à 1933 pendant laquelle Saint Pierre servi de plaque tournante au trafic d’alcool. Quelques grosses fortunes se sont construites sur ce commerce illicite aus USA mais licite en France. Après tout, exporter de la morue ou du champagne…

Ne reculant devant rien, la Team Topette ! est allé affronter l’océan à bord d’un Doris, embarcation traditionnelle pour pêcher la morue remise au goût du jour par une association justement nommée “Les Zigotos”.

L’occasion pour nous de voir des colonies de Guillemot de Troïl ou marmette, des petits pingouins et des Macareux, le tout en nombre impressionnant. Bon la conjugaison zoom capricieux-Doris remuant-océan un peu agité nous donne des photos pas terribles mais on en a pris plein les yeux ! (et pas mal d’eau salée aussi).

On croit que ce sont des cailloux mais en agrandissant, on se rend compte que ce sont en fait des milliers d’oiseaux !

Quoi d’autre ? On a mangé du homard et d’énormes coquilles saint Jacques avec une bonne bière locale,

On a emprunté le bus scolaire pour aller goûter (le chocolat chaud avec la chantilly pour accompagner le moelleux aux amandes, une tuerie).

Bon c’est vrai qu’on a eu de la chance parce qu’à cette saison Saint Pierre et Miquelon ça ressemble souvent à ça :

Quand on est parti, le beau temps était revenu, histoire de nous donner des regrets.

Nous en profitons pour remercier Patricia et Anne de HDE (l’heure de l’est) de nous avoir planifié nos visites et nos hébergements pour la semaine passée ici. Si vous souhaitez aller à Saint Pierre et Miquelon n’hésitez pas à les appeler.

Comme on aime la musique, on vous met la chanson Saint Pierre & Miquelon interprétée par Hert Le Blanc, originaire de Bouctouche au Nouveau-Brunswick, un grand de la scène musicale country et acadienne. 

Ca envoie du bois, non ? (expression taillée pour l’accent canadien)

Franchement nous avons été emballé par cet archipel du bout du monde où l’insécurité n’existe pas, où les gens sont bavards, tutoient facilement et sont toujours prêts à nous renseigner. Le retour ne va pas être simple ! (ça commence, notre vol de retour est annoncé avec deux heures de retard, adieu la correspondance…)

Allez, Topette !

6 réflexions sur « La Petite France en Amérique »

    1. Salut Isa,
      Saint Pierre & Miquelon nous a énormément plu ! Cette ambiance tranquille, ces habitants conviviaux et ces paysages superbes (quand il n’y a pas de brume) donneraient facilement un goût de “revenez-y”…
      Bises,
      La Team Topette !

  1. est ce que Miquelon est le mari de Miqueline ? c’est une question qu’il faut se poser, à l’heure (ou presque) à laquelle vous allez faire quelques gribouillis en bas de feuilles chez le Notaire . J’avoue que les photos donnent envie de visiter cette partie du monde. Sur ce , bonne installation dans le nouveau pied à terre .

    1. Bonjour Fanchon,
      Miquelone peut-être ? En tout cas cet archipel est superbe et on a eu très majoritairement beau temps. Les gribouillis sont faits et le nouveau pied-à-terre est décoré dans le style “cartons partout”.
      Bises à toi et à John Peter,
      La Team Topette !

  2. Ça me rappelle vaguement une histoire de repas au restaurant avec un serveur qui se pointe avec une assiette de morue…
    Merci pour cette visite.

    1. Salut Christophe,
      Il n’y a plus de morue à Saint Pierre & Miquelon, du coup on a peut-être connu le dernier spécimen !
      A bientôt,
      La Team Topette !

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